Pourquoi la question de la justice reste-t-elle au cœur de la philosophie ?
Dès l’Antiquité, les philosophes se sont interrogés sur ce que signifie être juste. Pourquoi ? Parce que la justice ne concerne pas seulement les tribunaux ou le droit, mais notre manière de vivre ensemble. Elle touche à la morale, à la politique, à l’éthique individuelle. Être juste, ce n’est pas simplement suivre des lois : c’est agir en prenant en compte ce qui est dû à chacun.
Or, décider ce qui est « dû » à quelqu’un n’est pas si simple. La justice soulève donc des conflits d’interprétation. Est-elle fondée sur l’égalité ? Sur le mérite ? Sur l’utilité pour le plus grand nombre ? C’est justement cette diversité d’approches qui fait toute la richesse du sujet et qui permettra d’alimenter un devoir, une dissertation ou une réflexion personnelle.
La justice comme vertu : Platon et Aristote
Pour bien poser les bases, revenons à la pensée grecque. Chez Platon, la justice est d’abord une vertu de l’âme. Dans « La République », il imagine une cité idéale où chacun remplit sa fonction : les producteurs produisent, les soldats protègent, les philosophes gouvernent. Une cité juste est donc ordonnée, chacun y occupe sa place avec excellence. Il écrit :
« La justice consiste à ce que chacun fasse ce qui lui est propre et ne mêle pas de ce qui ne le regarde pas. »
Autrement dit, la justice est un équilibre, une harmonie entre les différentes fonctions, comme dans un corps humain où chaque organe joue son rôle.
Aristote, dans « L’Éthique à Nicomaque », propose une approche plus nuancée. Il distingue deux types de justice :
- La justice distributive, qui consiste à répartir les biens ou les charges selon le mérite ou les besoins.
- La justice corrective, qui intervient lors d’un tort – un accident, un vol – et cherche à rétablir l’équilibre entre les parties.
Pour lui, être juste, c’est donner à chacun ce qui lui revient en fonction de critères précis. Il écrit :
« Le juste est un milieu entre le trop et le trop peu. »
Ce qui nous amène à une idée clé : la justice n’est pas seulement une égalité mathématique, mais une équité, c’est-à-dire une évaluation contextuelle de ce qui est juste dans une situation donnée.
Des conceptions modernes : le contrat et le droit
Avec les Lumières et la philosophie moderne, la justice prend une autre tournure : elle devient une question de droits et de contrat social. L’idée centrale est que pour sortir de la violence naturelle, les humains acceptent de passer un contrat pour vivre ensemble et garantir leur sécurité.
Hobbes pose le décor dans « Le Léviathan » :
« Là où la loi cesse, la justice cesse aussi. »
Pour Hobbes, sans État fort, pas de justice possible. En effet, dans l’état de nature, chacun cherche à survivre par tous les moyens – c’est la guerre de tous contre tous. Seule l’autorité permet d’instaurer des règles du jeu équitables.
À l’inverse, Rousseau réhabilite la dimension morale de la justice. Il insiste sur le contrat social comme fondement d’une volonté générale. Il écrit :
« Renoncer à sa liberté, c’est renoncer à sa qualité d’homme. »
La justice, chez Rousseau, suppose des lois fondées sur l’égalité et la participation de tous. Un ordre juste est celui auquel nous pouvons tous consentir librement, et non un simple rapport de force légitimé par un pouvoir absolu.
Utilitarisme et justice sociale : Bentham et Rawls
La question se complique lorsque la justice doit prendre en compte les intérêts de groupes différents. Comment concilier équité individuelle et bonheur collectif ?
Jeremy Bentham, utilitariste, propose une réponse arithmétique : il faut chercher « le plus grand bonheur du plus grand nombre ». La justice, dans ce cadre, devient une question de calcul :
« Toute action, selon sa tendance, est juste si elle augmente le bonheur. »
Mais cette vision peut poser problème : doit-on sacrifier les droits d’un individu pour le bien du plus grand nombre ?
John Rawls, dans « Théorie de la justice » (1971), tente de concilier égalité et liberté. Il fait l’expérience de pensée du « voile d’ignorance ». Imaginez que vous ne sachiez pas encore quelle place vous occupez dans la société : riche ou pauvre, en bonne santé ou malade. Quelles lois souhaiteriez-vous ?
Il en tire deux principes fondamentaux :
- Tous doivent bénéficier des mêmes droits et libertés de base.
- Les inégalités ne sont justifiées que si elles profitent aux plus défavorisés (principe de différence).
Rawls veut ainsi éviter les dérives soit de l’égalitarisme strict (qui supprimerait toute liberté individuelle), soit du libéralisme total (qui renforcerait les inégalités).
La justice selon Kant : la morale de l’universel
Chez Kant, la justice fait partie d’une exigence morale plus profonde fondée sur la raison. Il propose une règle d’or, le fameux impératif catégorique :
« Agis uniquement d’après la maxime grâce à laquelle tu peux vouloir en même temps qu’elle devienne une loi universelle. »
Autrement dit, un acte juste est un acte que l’on pourrait revendiquer pour tous et dans toutes les situations. Il ne s’agit plus seulement de conséquences (comme chez Bentham), mais d’intention et de cohérence morale.
Pour Kant, on ne traite jamais une personne comme un simple moyen, mais toujours comme une fin en soi. C’est l’idée de dignité humaine qui fonde le droit et la justice.
La justice aujourd’hui : entre idéal et réalité
À l’heure des débats sur les discriminations, les inégalités économiques ou le dérèglement climatique, la justice s’invite partout : droit des minorités, justice environnementale, égalité des genres… Mais ces enjeux mondiaux peuvent rendre la notion floue.
Comme le dit Paul Ricœur :
« La difficulté, c’est de reconnaître ce que chacun peut légitimement revendiquer. »
La justice contemporaine doit jongler entre certaines valeurs parfois en tension : égalité des chances, liberté d’expression, reconnaissance des différences… Le rôle citoyen consiste souvent à arbitrer entre ces demandes, en s’appuyant sur une réflexion critique et informée.
Quelques citations à connaître absolument
Pour vos devoirs ou examens, voici une sélection de citations incontournables à apprendre ou à utiliser de manière stratégique. Choisissez-en deux ou trois que vous comprenez bien, et illustrez-les avec un exemple :
- Platon : « La justice, c’est que chacun fasse ce pour quoi il est doué. »
- Aristote : « Ce qui est juste dans la cité, c’est ce qui tend à maintenir une certaine égalité. »
- Hobbes : « Là où il n’y a pas de pouvoir commun, il n’y a pas non plus de justice. »
- Rousseau : « La force ne fait pas le droit. »
- Bentham : « Le plus grand bonheur du plus grand nombre. »
- Rawls : « Les inégalités peuvent être justes si elles améliorent la condition des plus défavorisés. »
- Kant : « Agis de telle sorte que tu traites l’humanité toujours comme une fin et jamais simplement comme un moyen. »
Comment utiliser ces citations efficacement ?
Pas besoin de toutes les connaître ! L’important est de les intégrer avec pertinence à votre argumentation :
- Donnez le sens précis de la citation, pas une paraphrase floue.
- Faites un lien logique avec votre partie ou problématique.
- Illustrez concrètement par une situation, un exemple ou un contre-exemple.
Exemple :
« Selon Rawls, la justice suppose qu’on accepte des inégalités uniquement si elles sont avantageuses pour les plus pauvres. Or, dans un système de taxation progressive, les riches paient plus, mais cela permet de financer l’éducation, la santé ou les aides sociales. On peut dire que ce type d’inégalité est compatible avec une exigence de justice sociale. »
Ce type de formulation claire et structurée fait toute la différence dans une copie.
Pour aller plus loin
La notion de justice est au croisement de multiples disciplines : droit, économie, sociologie, éthique. En philosophie, elle permet d’interroger à la fois nos convictions personnelles et nos modèles politiques. En gardant à l’esprit les grandes perspectives (Platon, Hobbes, Rawls…), vous vous donnez des outils pour argumenter avec rigueur et pertinence.
Alors, la prochaine fois que vous entendrez : « Ce n’est pas juste ! », demandez-vous : de quoi parle-t-on exactement ? De droit, d’égalité, de mérite ou de dignité ? Derrière cette exclamation apparemment banale se cache, souvent, une grande question philosophique.